ITIL : UTILE ?
26 janvier 2016
Mais voilà, malgré son omniprésence, j’ai l’impression qu’ITIL n’est toujours pas compris et que les entreprises n’arrivent toujours pas à en tirer la valeur attendue.
ITIL n’est pas non plus compris par les ingénieurs IT eux-mêmes, qui suivent la formation (la subissent ?) et qui pourtant ne savent pas répondre à mes deux questions préférées en entretien d’embauche : "quel est selon vous le processus le plus important d’ITIL dans le contexte des opérations ?" et : "quelle est la différence entre un incident et un problème ? ». En général, je n’ai qu’un silence gêné pour réponse à ma première question et un triomphant « ben un incident, c’est un problème quand il se produit » en réponse à la deuxième...
Et que dire de ce fournisseur de services Cloud qui affiche fièrement que ses ingénieurs sont tous « certifiés ITIL » mais qui n’est pas en mesure de me communiquer ses procédures de gestion des incidents et de gestion des changements lorsque je les lui demande ?
Le "Service Management" c’est la gestion du « service » que rend l’IT, pas la gestion du Service IT au sens de "département IT". Tout le problème vient d’inculquer la notion de service rendu par l'IT et de bien calibrer le besoin en procédure, de bien mettre le curseur pour ne pas créer des procédures lourdes, inutiles que personne ne suivra. Il faut commencer léger, puis améliorer dans le temps, par petites touches, lorsque tout le monde aura perçu l’amélioration que les procédures apportent. Deming est là pour ça. Il ne sert à rien de vouloir déployer « tout ITIL » d’un coup, chaque processus, chaque partie du référentiel. Cela irait à l’échec par overdose de procédure et provoquerait un rejet massif et durable. Je compare souvent les apprentissages à du sable qu’on jette dans l’eau : il faut du temps pour ce sable se dépose au fond du bassin, et ce n’est qu’à ce moment qu’il se stabilise et se sédimente. Il en va de même pour les apprentissages : il faut du temps pour que les nouvelles notions soient intégrées et deviennent une culture.
Il faut aussi cesser de voir l’informatique comme un métier technique, un empilement de solutions. L’informatique est un métier de service, au même titre que la restauration : nous, informaticiens de tout poil, sommes au service d’une entreprise, de ses utilisateurs, de ses clients. Les informaticiens doivent cesser de se concentrer sur leurs serveurs, leurs logiciels, leurs routeurs ou que sais-je encore pour réaliser que ce ne sont que des outils au service d’une activité elle-même au service de clients. J’ai terriblement l’impression d’enfoncer des portes ouvertes en écrivant cela, mais combien d’informaticiens se considèrent comme des experts techniques au service de leur machine, combien de services informatiques sont des tours d’ivoire hermétiques aux besoins du business, allant parfois jusqu’à lui dicter leurs conditions, à lui imposer leurs solutions ou à lui refuser l’expression de ses besoins ?
ITIL permet de se hisser au-dessus de cette vision technique et de voir l’informatique comme ce qu’elle est : un service rendu au business. Les processus proposés n’ont d’autre objectif que la stabilité pour le business, la qualité pour le business, l’anticipation pour le business. La maîtrise pour le business. Et au final, pour le client. On en revient à la raison d’être d’une entreprise et la boucle est bouclée.
ITIL se débarrasse de la technique et fait entrer le client dans le service informatique. Cette entrée est vécue comme une intrusion par les informaticiens qui ne sont pas habitués à s'y confronter. Pire, cette focalisation sur le client semble s’opposer à leur activité technique. D’ou le rejet de processus jugés intrusifs et inutiles dans une fonction perçue comme purement technique. Et d’où le succès et la qualité des services IT qui ont su mettre le client au centre de leur activité. La malédiction d’ITIL est donc avant tout un problème de culture. Et la culture, cela dépend, au final, de l’humain plus que de procédures. Dans un prochain article, je vous donnerai quelques idées pour changer la culture de votre service IT et lui permettre de mettre le client au centre de ces activités.
D’ici-là, je suis votre serviteur en cas de questions.