Le modèle économique du cloud
24 December 2020
Le modèle économique du cloud est simple, mais il fait souvent l'objet de questions, à tel point cela peut valoir la peine d'en faire le tour une nouvelle fois et de clarifier certains aspects.
Mais avant tout chose, clarifions la distinction entre cloud et outsourcing : en quoi le cloud est-il différent de l'outsourcing que vous proposaient vos fournisseurs IT au début des années 2000 ? Qu'est-ce qui a changé (et pourquoi votre prestataire IT ne vous parle probablement jamais du cloud...) ?
Cloud vs Outsourcing
L'outsourcing était le modèle à la mode dans les années 2000. Cela consistait à remettre les clefs de son service IT à un prestataire externe pour qu'il le gère pour vous, en fonction de vos besoins et contraintes. Tout était transféré : les matériels, les logiciels, les gens. Un SLA (Service Level Agreement, accord sur le niveau de service) garantissait la réactivité du prestataire pour les demandes de service et le traitement des incidents.
Si sur le papier cela semble une bonne idée, dans la réalité votre service, devenu celui du prestataire, était surtout géré en fonction des contraintes budgétaires de ce dernier, avec pour vous des coûts opérationnels élevés et de nombreux coûts cachés. La réactivité promise était une illusion, la rigidité de la hiérarchie de support (du niveau 1 au niveau 3) et la disponibilité toute relative des experts de niveau 3 rendant lent et laborieux le traitement de toute requête. Enfin, cerise sur le gâteau, l'outsourcing provoquait inévitablement une perte de savoir-faire et d'autonomie pour l'entreprise, sa compétence IT étant déléguée à l'outsourceur.
Le cloud, heureusement, ce n'est pas cela.
Avec le cloud, vous gardez le contrôle, vos équipes et la compétence. Il ne s'agit en quelque sorte que de déléguer les couches basses de l'IT, celles qui n'apportent pas de valeur ajoutée à vos affaires. La gestion des applications, ainsi que la stratégie, l'affectation des moyens, la gestion des ressources humaines restent de votre responsabilité.
On dit parfois que le cloud, ce n'est que les serveurs de quelqu'un d'autre. Bien qu'un peu réductrice, cette façon de voir les choses montre bien que vous restez aux commandes de votre IT. Et c'est la raison pour laquelle votre prestataire habituel vous parle probablement peu du cloud : avec le cloud, plus de perspectives d'outsourcing, plus de vente de matériel, rien que des prestations de service qui se réduisent comme peau de chagrin. Si c'est intéressant pour vous, ça n'est clairement pas intéressant pour lui...
Le modèle économique du cloud
Facturation à l'utilisation
L'avantage principal du modèle économique du cloud est le paiement à l'utilisation, comme pour l'eau ou l'électricité. On parle alors d'Utility Model ou de modèle Pay As You Go (PAYG, paiement à la consommation). Certains services sont facturés au temps, avec une facturation à la seconde ou à la minute, d'autres au volume de données traitées, transmises ou stockées, selon les cas. Je ne vais pas faire le détail pour ne pas retomber dans la technique, mais quel que soit le mode de calcul, la facturation est toujours à l'usage.
Pas d'engagement
Il n'y a pas :
- de frais d'inscription : l'accès est libre,
- de frais de résiliation : vous n'êtes pas pénalisé lorsque vous quittez le service,
- d'engagement de consommation : vous consommez ce dont vous avez besoin, il n'y a ni plancher ni plafond,
- de durée minimale : vous pouvez louer des infrastructures pour seulement quelques heures si tel est votre besoin,
- de consommation minimale, d'ailleurs, certains services sont mêmes gratuits, et vous pourriez n'utiliser que ceux-ci, personne n'y verrait de problème,
- d'engagement sur une durée comme pour un abonnement par exemple,
- de licence pour utiliser le cloud.
Pas d'investissement
Il n'y a pas non plus d'investissement, c'est le prestataire qui achète et renouvelle les machines avec lesquelles, il propose ses services. Ainsi, de votre point de vue, tous les frais CAPEX sont remplacés par des OPEX. On atteint ainsi le Graal du CFO : tous les coûts fixes sont remplacés par des coûts variables, directement attribuables à un usage comme nous l'avons déjà vu.
Il faut relever que vous bénéficiez directement du pouvoir de négociation du prestataire : en achetant des volumes de matériel absolument considérables, il bénéficie de tarifs particuliers auprès des fabricants et fait bénéficier ses clients des rabais obtenus. Il est à parier que Google, Microsoft ou Amazon paient les serveurs deux ou trois fois moins cher que nous...
Notons encore que s'il n'y a pas de licences pour utiliser le cloud, vous devez quand même posséder les licences pour les logiciels que vous exploitez sur vos machines : mettre vos logiciels sur les serveurs de quelqu'un d'autre ne transfert pas la charge de la licence. Les licences des systèmes d'exploitation des serveurs (Windows, etc), sont en revanche incluses dans la location.
modèles de consommation des infrastructures
En sus des principes établis ci-dessus, les prestataires proposent plusieurs modèles de consommation pour s'ajuster à votre besoin spécifique et vous aider à réduire encore la facture :
à la demande
Les serveurs à la demande représentent l'offre de base : la capacité de calcul est payée à l'heure ou à la seconde, sans engagement à long terme ni frais initiaux. Les tarifs sont les tarifs standards ; ci-dessous, un extrait des tarifs de la région Francfort d'AWS.

à la réservation
Il est possible de réserver certaines ressources pour une durée déterminée et de bénéficier ainsi d'un tarif plus favorable. En général, un paiement fractionné est disponible (pas de paiement, la moitié ou la totalité à la réservation) qui permet d'obtenir un prix plus avantageux encore : plus vous payez tôt, plus la remise est importante, jusqu'à 75 % par rapport aux tarifs standards. La réservation est idéale pour les serveurs qui doivent tourner pendant des années.
aux enchères
Pour optimiser leurs coûts, les prestataires mettent aux enchères les capacités inutilisées. Ainsi, vous pouvez économiser jusqu'à 90 % du prix des instances à la demande. Il y a bien-sûr des contraintes qui limitent ces serveurs à des usages spécifiques, mais une architecture qui puisse prendre en compte cette option permet de réaliser de substantielles économies.
tarifs dégressifs selon l'utilisation
Enfin, d'autres services, comme le stockage de données, vous font bénéficier de remises sur le volume avec une tarification dégressive : plus le volume stocké est important, plus le prix baisse.
Les avantages que cela vous donne
des coûts d'infrastructure plus bas
A périmètre technique égal, les économies d'échelle de votre prestataire vous font déjà réaliser des économies sur vos infrastructures. Mais surtout, en les architecturant pour tirer profit de la mise à l'échelle et de l'élasticité du cloud, vos infrastructures s'adaptent enfin au besoin réel de l'activité. C'est la fin du gaspillage dû à la sur-capacité et du coût d'opportunité dû au manque de capacité. C'est aussi la fin du coût du cycle d'achat et du coût d'opportunité que représente l'immobilisation de larges sommes durant l'achat et l'installation des équipements.
des coûts d'opération plus bas
La ré-affectation de ressources humaines coûteuses vers des tâches à plus forte valeur ajoutée que la mise à jour de systèmes est une autre source d'économies substantielles. Vos ingénieurs n'ont pas seulement pour tâche de maintenir l'existant, ils doivent aussi préparer les infrastructures nécessaires aux services et produits de demain, et vous aider à innover. Ré-affecter 30% de leur temps à ces tâches est plus qu'une économie, c'est un investissement.
Par ailleurs, parmi les coûts d'opération figurent les coûts de la disponibilité et de la sécurité. La mise en place et la maintenance de ces équipements est prise en charge par le prestataire et le coût mutualisé entre tous les clients, ce qui s'exprime par une réduction des coûts pour chacun.
variabilisation et traçabilité des coûts
Souvenez-vous, on n'empile plus les usages sur une infrastructure mutualisée dans un data center, on construit des îlots fonctionnels les uns à côté des autres. Les coûts de mise en place, d'exploitation et de maintenance de chaque îlot sont parfaitement traçables et si vous pratiquez la comptabilité analytique, la facturation des ressources aux services concernés devient facile et non plus sujette à des discussions sans fin.
Mieux, la variabilisation des coûts vous dispense d'investissements importants et transforme chaque coût en coût variable. Chaque service peut être ainsi challengé à réduire ses coûts en permanence.
meilleure utilisation des actifs
Une façon de booster votre retour sur le capital investi (ROIC) est d'augmenter les gains. Une autre façon est de diminuer les actifs. Or, dans une entreprise, et spécialement dans une PME, le patrimoine informatique représente souvent un montant non négligeable. Dès lors, une solution évidente est de diminuer le montant des actifs informatiques. Le cloud, justement, permet exactement cela en transformant tous les achats de matériel en coûts variables. Dans de nombreux cas, c'est cette transformation capex/opex qui est le premier moteur d'une transition vers le cloud.
le modèle SaaS
Les modèles du cloud sont nombreux. Vous avez probablement entendu parler de Iaas (Infrastructure as a Service) et PaaS (Platform as a Service) par exemple. Notre propos n'est pas d'entrer dans ce détail technique, mais parmi ces variantes, il s'en trouve une qui mérite toute votre attention : le SaaS (Software as a Service). Vous l'utilisez probablement tous les jours sans connaitre son nom. Dans cette variante, le prestataire vous met à disposition toute une infrastructure technique et une application. Pensez à Gmail par exemple : une application de messagerie complète vous est mise à disposition sans que vous ayez à vous préoccuper de la mise en place d'infrastructures ou de logiciels pour la faire tourner. Le prestataire s’occupe de tout : des équipements, du système d’exploitation et de l’application, vous ne vous occupez de rien et vous vous contentez d’utiliser les fonctionnalités de l’application. De nombreux services à destination des entreprises sont disponibles : des services de stockage et de partage de fichiers (Dropbox), des services de bureautique (Microsoft Office 365 par exemple), des logiciels de gestion de la relation client (Salesforce), des logiciels de gestion de ressources humaines, de comptabilité, etc... Et même les "gros" ERP comme SAP4/Hana sont maintenant disponibles dans des offres de ce type. Pensez-y lors de votre prochain achat d'application : c'est un bon moyen de déléguer les opérations techniques et de variabiliser vos coûts une fois pour toutes, avec des licences au siège et non plus au serveur.
Je voudrais, pour finir ce chapitre, attirer votre attention sur le changement de culture que nécessite la gestion des coûts dans le cloud. Les ingénieurs, comme nous l'avons évoqué, ne voient en général pas les coûts IT, ils y sont aveugles. Pour eux, les équipements s'ils ont une valeur, n'ont pas de coûts, et la surcapacité est essentiellement gratuite. Les coûts ne sont pas leur culture.
Mais dans le cloud, les choses sont différentes : chaque usage coûte. Un usage non raisonné, non justifié, entraine des coûts qui, s'ils peuvent être faibles, peuvent aussi être très élevés. Il faut donc développer très tôt une sensibilité à ces coûts et affecter la responsabilité de gestion aux équipes techniques. Vous avez peut-être lu des articles alarmistes qui relatent l'expérience de sociétés qui sont allées dans le cloud et en sont revenues car trop cher, ou des histoires telles que celle de ce fabricant horloger qui a souscrit un contrat cloud et laissé ses développeurs jouer avec le cloud sans les sensibiliser au préalable...On m'a rapporté que la facture du premier mois dépassait les 100'000 francs ! Je ne suis pas surpris : sans aucune sensibilité aux coûts, les développeurs ont joué avec les machines, se livrant à une escalade à celui qui monterait la plus grosse infrastructure. Et est arrivée la débandade du vendredi soir : les développeurs sont partis pour leur week-end, laissant tourner les machines, puis les ont tout simplement....oubliées le lundi matin. Résultat : des machines coûteuses, inutiles, qui ont tourné pendant des semaines, générant des coûts phénoménaux pour l'entreprise.
Il ne s'agit pas ici de vous effrayer et de vous dissuader d'aller dans le cloud, mais de vous rendre attentif à la nécessité de mettre en place une culture des coûts avant de lâcher vos ingénieurs dans ce qui est pour eux un formidable terrain de jeu.
Pour éviter la débâcle, utilisez les outils d'analyse mis à disposition par votre prestataire et créez un poste de responsable des coûts qui sera en charge du changement de culture et du contrôle des dépenses. Cette activité peut être confiée à un membre des équipes techniques, des achats ou de la finance suivant la structure de votre entreprise et son point de vue sur les coûts. Et elle peut facilement être cumulée avec d'autres tâches, ce qui évite la création d'un poste à plein temps. Pour en savoir plus sur une gestion efficace des coûts dans le cloud, je vous renvoie à mon article de blog [INSéRER LE LIEN : https://www.objectif-cloud.com/couts-cloud] qui détaille les mesures que vous pouvez prendre pour tirer parti du cloud en toute sérénité.
Enfin, et pour conclure, tout n'est pas qu'une question de coûts : l'autre versant des coûts est le retour sur investissement, qui peut parfois être difficile à calculer, voire composé d'intangibles. Je reprends ici des éléments de mon article sur le TCO :
Selon Accelerate, les entreprises qui ont mis en place les méthodes devOps et les mécanismes Cloud, en moyenne (toutes tailles, industries et géographies confondues ) :
- déploient du code 46 fois plus fréquemment,
- ont un temps entre le "commit" et le déploiement du code 440 fois plus court,
- ont un temps de reprise après incident 170 fois plus rapide,
- ont un taux d'échec des changements IT 5 fois plus faible,
que les autres entreprises.
